Il y a des projets qui avancent doucement, sans fracas, sans remous, sans ce relief spectaculaire qu’on aime tant exposer dans les portfolios ou sur les réseaux.
Des missions fluides, structurées, bien cadrées dès le départ.
Rien d’héroïque, rien de bancal non plus. Juste une entreprise stable, un besoin clair, un interlocuteur impliqué, une relation de travail saine.
Ce type de projet ne déclenche pas forcément une montée d’adrénaline intellectuelle.
Il ne provoque pas de remise en question radicale, ne met pas le consultant face à une impasse stratégique, ni au cœur d’un chaos marketing à remettre d’équerre.
Mais il dit autre chose. Et cette chose-là mérite, je crois, d’être observée.
Dans une époque où tout semble devoir être “transformé”, “réinventé”, “réaligné” — dans une époque où l’on traque en permanence la faille à combler ou le potentiel à révéler — il est presque reposant de croiser un projet qui ne cherche pas à tout changer, mais simplement à mieux avancer.
Pas de tension dramatique. Pas de crise souterraine. Juste une volonté tranquille de remettre un peu d’ordre dans les priorités, de poser les choses à plat, de clarifier ce qui mérite de l’être, sans en faire un grand récit.
Et dans ces moments-là, le rôle du consultant change subtilement.
Il ne s’agit plus de pousser, de heurter, de provoquer une prise de conscience.
Il s’agit d’écouter finement, d’ajuster juste ce qu’il faut, d’être au service d’une progression déjà amorcée, discrète, mais sincère.
De ne pas projeter sur le client une envie de rupture qu’il ne formule pas.
De ne pas imposer un rythme plus rapide, une méthode plus invasive, une intensité plus haute.
Ce que m’a appris ce projet-là — qui aurait pu passer inaperçu tant il fut fluide — c’est qu’il n’y a pas de petit chantier dès lors qu’il y a une vraie demande.
Pas besoin d’un site obsolète ou d’une offre floue pour légitimer une intervention.
Parfois, l’exigence se niche dans le détail, dans l’affinage, dans la capacité à poser un diagnostic sans effet de manche, sans vocabulaire spectaculaire, sans transformation radicale à la clé.
Et c’est précisément dans ces cas-là que le métier retrouve une forme d’élégance.
Parce qu’on n’y joue pas un rôle.
Parce qu’on ne s’y met pas en scène.
Parce qu’on ne cherche ni à se rendre indispensable, ni à impressionner.
On fait ce qu’il y a à faire.
Sérieusement.
Sobrement.
Au bon endroit.
Et on repart.
– Julien RIcciarelli-Bonnal