Le personal branding a tué la discrétion
Il fut un temps où le travail parlait de lui-même.
Aujourd’hui, il faut parler du travail — et surtout de soi.
Le personal branding, cette injonction moderne à se “vendre” en permanence, a transformé les professionnels en panneaux publicitaires d’eux-mêmes. Et dans ce bruit continu d’auto-promotion, la rareté a disparu. Plus personne ne se fait remarquer par ce qu’il fait, mais par la manière dont il le raconte.
L’ère du moi communicant
LinkedIn, Instagram, YouTube : chaque espace professionnel s’est transformé en scène.
Chacun doit y “prendre la parole”, “montrer son expertise”, “partager sa vision”. Ces mots, qu’on croyait nobles, sont devenus des réflexes automatiques. On ne réfléchit plus à ce qu’on dit, mais à la fréquence à laquelle on le dit.
Ce glissement est dangereux. Parce qu’à force de vouloir exister dans le flux, on finit par s’y dissoudre.
Les professionnels se ressemblent tous, leurs discours s’imitent, leurs images aussi. Même ton, même pose, même vocabulaire. On ne lit plus des personnes, on lit des modèles de communication.
C’est précisément ce que rappelle le consulting marketing : la visibilité n’est pas une fin, c’est un outil. Une stratégie de marque ne doit pas faire de son fondateur une caricature, mais un repère. Le problème, c’est que le personal branding, mal compris, inverse la logique : il met la lumière avant le sens.

L’exposition permanente fatigue
On ne peut pas être visible tout le temps sans s’épuiser.
Cette pression de la présence constante sur les réseaux pousse à une fausse productivité. On “publie pour exister” comme on respire, sans recul, sans hiérarchie.
Le résultat, c’est une saturation du regard.
Chaque post devient une tentative désespérée d’attraper l’attention. Et à la longue, tout se nivelle : le coup de gueule, la réussite, la pensée — tout devient contenu.
Mais un contenu sans respiration n’a plus de valeur.
Le paradoxe, c’est que ceux qui se taisent finissent par redevenir visibles. Parce que dans un monde saturé de mots, le silence devient un acte de différenciation. L’influence réelle, aujourd’hui, appartient à ceux qui savent choisir leurs moments.
L’identité diluée
En théorie, le personal branding devait renforcer la singularité.
En pratique, il a créé une uniformisation spectaculaire.
Tout le monde parle de “valeurs”, de “parcours”, de “sens”. Ces mots ne signifient plus rien tant ils ont été répétés sans contexte. Le marketing personnel a avalé la personnalité.
La discrétion, jadis signe de force tranquille, est devenue suspecte.
Si tu ne postes pas, c’est que tu n’existes plus.
Si tu n’exposes pas ton quotidien, c’est que tu n’as rien à montrer.
Et pourtant, les plus grands bâtisseurs de marques, les vrais, sont souvent ceux qu’on ne voit jamais. Leur crédibilité repose sur la constance, pas sur la narration.
C’est aussi le rôle d’une création de site internet bien pensée : ne pas surjouer, mais représenter avec justesse.
Un site sobre, cohérent, à jour, dit plus sur une entreprise qu’une centaine de publications éphémères. C’est le territoire du vrai travail, celui qui reste quand l’agitation se tait.
Retrouver la valeur du silence
Le personal branding n’est pas un mal en soi. Il devient toxique quand il efface la frontière entre la personne et son personnage.
Quand on finit par “jouer à être soi”, pour plaire, pour performer, pour exister dans les yeux des autres.
C’est à ce moment-là que la confiance s’érode. Parce que les gens sentent toujours quand quelqu’un parle pour convaincre plutôt que pour dire.
La discrétion, dans ce contexte, redevient une forme de luxe.
Elle ne signifie pas retrait, mais maîtrise.
Ne pas tout montrer, c’est garder la main sur son récit.
Ce n’est pas un hasard si les marques les plus solides du moment ne sont pas les plus bavardes : elles laissent le travail parler à leur place.
Et c’est sans doute la plus belle revanche dans ce monde de bruit : celle de la mesure.
Rédigé par Julien Ricciarelli-Bonnal
6 novembre 2025

